Ouaouaron-info

Un mot québécois emprunté aux Wendats

Les mouches à feu font des folies
Les ouaouarons sont pas plus fins


– Beau Dommage (1974) Harmonie du soir à Châteauguay

Avez-vous déjà entendu un ouaouaron? En prononçant son nom, on semble vouloir reproduire le cri caractéristique de cette très grande grenouille d’Amérique du Nord. C’est aussi un des plus vieux québécismes connus qui soit d’origine autochtone. Ouaouaron est attesté pour la première fois dans un texte en français en 1745, mais la graphie oüaraon a été relevée par un missionnaire dans la langue wendate dès 1632.

Le ouaouaron n’est pas un animal familier pour les Français, qui le nomment plutôt grenouille-taureau (de l’anglais bull-frog), ou grenouille mugissante. Pour les Québécois, cette grenouille est une riveraine habituelle des ruisseaux, des lacs et des rivières. Il est donc naturel que les premiers colons aient emprunté pour la désigner le nom que lui donnait l’une des Premières Nations rencontrées à leur arrivée, les Hurons-Wendats.

À l’époque de la Nouvelle-France, les Français ont nommé Hurons ces Autochtones. Aujourd’hui, les membres de cette nation demandent qu’on les désigne par le nom qu’ils se donnent eux-mêmes : Wendat. Le terme wendat s’emploie seul, mais, pour faciliter le transfert de huron à wendat, on croise parfois l’appellation double huron-wendat, autant pour désigner le peuple, que sa langue, le huron-wendat, langue éteinte qu’on tente actuellement de reconstituer à partir de documents anciens. Wendake, dans la région de la ville de Québec, est la seule communauté wendate du Québec.

La synonymie pour désigner les peuples autochtones est courante au Québec.

On abandonne aujourd’hui les dénominations anciennes pour privilégier les dénominations autochtones. Ainsi, le mot Esquimau a disparu au profit d’Inuit, le mot Innu remplace le mot Montagnais, et les Algonquins sont de plus en plus fréquemment appelés Anichinabés.


Ces informations, absentes des dictionnaires français, sont généralement attestées dans les sources québécoises, comme Le Grand dictionnaire terminologique de l’OQLF et le dictionnaire Usito.

Office québécois de la langue française, Le grand dictionnaire terminologique

Lorsqu’on emprunte un mot à une autre langue, la question de son intégration grammaticale dans la langue d’accueil se pose toujours.

En français, un nom ou un adjectif masculin se féminise généralement par l’ajout d’un e et se met au pluriel par l’ajout d’un s. Ainsi, quand on emprunte à l’italien les mots singuliers pizza ou scenario, on les intègre au français en leur donnant les formes plurielles pizzas et scénarios, plutôt que les pluriels italiens pizze et scenarii (et on accentue le e de scénario).

De même, quand on emprunte les mots anglais gentleman et sandwich, on leur donne les formes plurielles qui répondent à la grammaire du français : gentlemans et sandwichs, plutôt que les pluriels anglais gentlemen et sandwiches.

Puisque le mot wendat est invariable dans sa langue d’origine, certains le laissent invariable en français et écrivent la nation wendat et des récits wendat. D’autres appliquent à wendat les règles du français et écrivent la nation wendate et des récits wendats.

Que l’on parle d’emprunt ancien ou d’emprunt récent, il est naturel d’échanger des éléments de vocabulaire avec les peuples avec qui nous sommes en contact. La langue est ainsi toujours en mouvement!